Pierre Lanneluc, qui a toujours témoigné d’une dilection pour les objets récupérés, s’attaque aujourd’hui au ballon de football. Il lui fait subir certaines transformations (découpage, mise à plat, recomposition, traitements divers) comme s’il s’agissait d’une matière vivante. Et cette transsubstantiation en fait effectivement une “matière animée”, à la manière du forgeron celte donnant une âme à l’épée qu’il fabrique en la programmant de signes cryptés. Ici, le ballon de football est composé de vingt hexagones et de douze pentagones. Il est rempli d’air. Son architecture est déjà celle d’un être animé, puisqu’il a 32 facettes, comme l’homme a 32 dents et 32 vertèbres. Au lieu d’en rester au simple stade de la projection de Mercator (faire d’un globe une carte bidimensionnelle), Pierre Lanneluc confère à ces “cellules” une verticalité (probablement phallique ?) qui présente une certaine Androgynéité ; c’est une forme non arrêtée qui nous fait songer, malgré nous, aux grandes représentations totémiques des cultures traditionnelles.
Après avoir longtemps travaillé sur la structure biologique des mots, Lanneluc nous donne avec ses colonnes une nouvelle lecture de tout ce qui est capable de devenir humain, par l’intervention de l’artiste, dans le désordre hasardeux de la nature. Cette médiation est celle du démiurge, bien sûr, l’application d’une tékhnê, au sens le plus primitif. Une victoire sur la banalité des choses.