Ces sites ont tous une histoire, ont une vie définie, et ont généré des pseudo-réalités – chaque site est un lieu de tournage en puissance. Tout ce qui est humain est construit à partir de récits. Des contes que les réalisateurs créent ou représentent. Giasco Bertoli pouvait passer des jours entiers à se promener dans les rues de New York, cherchant et photographiant des lieux de tournage, chacun issu d’un film dont il avait le souvenir, chacun apparaissant dans des scènes qu’il jugeait essentielles aux histoires qu’elles contaient. Initialement repérés par les «éclaireurs», ces lieux isolés ont, d’une certaine manière, été canonisés pour notre mémoire vivante – ce qui rend ces images si fascinantes : elles suggèrent, beaucoup plus qu’elles ne révèlent. De façon significative, les films choisis sont tous représentatifs d’une époque et ont marqué les esprits (le mien y compris) telles des expériences alternatives. Les fantômes de ces films hantent ces images. Pensons à l’expression « c’est comme jouer dans un film », devenu un pseudo-sentiment. Les cinémas (avant l’apparition du téléchargement) étaient les églises de la vie moderne. Leurs salles obscures étaient consacrées aux expériences alternatives. De la même façon, une partie du projet « Life in pictures » de Giasco Bertoli consista à photographier des lieux spéciaux, comme par exemple sa très évocatrice litanie des courts de tennis – le tennis étant un jeu rendu célèbre aux États-Unis par des films documentaires sur la vie d’acteurs tels que Douglas Fairbanks et Mary Pickford qui pratiquaient ce sport et furent parmi les premiers à inscrire dans les esprits une réalité particulière, celle vécue par les célébrités hollywoodiennes. Giasco Bertoli réalise également des portraits, prenant pour sujets des personnes quelque peu dénudées, voire complètement nues. Son style est marqué par la période dans laquelle il s’est développé; des temps où la photographie dérive de la haute définition des images commerciales vers une réminiscence artistique floue de la vie quotidienne et de ses lifestyles. C’est cet aspect-ci de son travail qui a fait de lui un contributeur régulier au magazine Purple, et maintenant à Purple Fashion, où je suis éditeur depuis 20 ans. Une image typiquement Giasco Bertoli est subtilement biaisée contre l’idéal. Il obtient ce résultat en détachant son viseur à la largeur d’un cheveu de l’équilibre pur et frontal de l’identité objective. Il emploie constamment cette technique, imbuant ses images avec la vie plutôt que simplement incarner la stature formelle de son sujet. Ces œuvres sont comme un rayon-X, transperçant le cœur complexe de la mémoire et de l’expérience, qu’elle soit réelle ou imaginée. — Jeff Rian
Requiem for a Dream (Harry’s dream), Coney Island, Brooklyn, NY, 2014