« Les images de David Ledoux sont aussi trompeuses que l’étrange calme auquel elles veulent nous faire croire. Avant de vous approcher, notez que regarder les images de David Ledoux demande un exercice mental un peu particulier. Là où vous verrez peinture, c’est de la photographie qu’il faudra peut-être regarder ; et là où penserez voir de la photographie, c’est de la sculpture que vous percevrez ; où vous croirez lire le résultat d’un procédé propre à la sculpture, ce seront des gestes et l’écoulement du temps, une performance, que vous devinerez. Là où vous chercherez de la lumière, c’est à un feu que vous vous brûlerez.
Pour commencer, oubliez tout ce que vous savez des images générées par ordinateur. Ici, pas de Photoshop, pas de modélisation 3D. David Ledoux est un artiste qui opère exclusivement selon des techniques classiques et artisanales. Il commence par le dessin, des traits simples qui génèrent des formes. Il poursuit par la découpe patiente de multiples calques et pochoirs, opaques et transparents, parfois colorés, parfois traités avec des effets de matière sophistiqués. Les pochoirs sont agencés dans des cadres qui laissent deviner la promesse d’une image. Puis viennent les séquences d’exposition du film sensible à la lumière à travers les cadres, un par un, dans un ordre bien précis et pour une durée qui l’est toute autant. Et là, David Ledoux ne se contente pas de compter les secondes ; non, il saisit une torche (électrique ou enflammée, selon l’humeur et l’inflammabilité environnante) et l’agite vivement par ici, trace des formes par là. Voilà, tout est désormais sur le film qui reste obstinément muet à l’issue de cette étrange cérémonie. Et l’artiste n’attend plus que le développement du négatif pour vérifier que l’image apparue parle, bouge, qu’elle s’aligne à l’image que lui seul percevait.
Mais alors, vous me demanderez pourquoi un photographe tel que David Ledoux ne se contente-t-il pas de faire des photographies du réel qu’il a sous les yeux, pourquoi produit-il ces objets « photographiespeintures-sculptures-performances » ? La pratique photographique n’est-elle pas suffisante ou satisfaisante ? La question n’a pas forcément de réponse. Mais sans doute est-ce le réel qui à ses yeux n’est ni suffisant, ni satisfaisant. Alors autant y mettre le feu. »
Extrait du texte Flamber les secondes par Laurence Perrillat
David Ledoux développe une pratique photographique variée. À la manière d’un artificier, il joue avec la lumière et le mouvement, et compose chaque image comme un tableau ou une scène. À la fin des années 90, il étudie la peinture au Sydney College of the Arts en Australie, avant de s’adonner à la photographie. Il débute ensuite une carrière de photojournaliste en Australie, au Sénégal, en Ouganda et en Afrique du Sud. Il développe également un œil pour la photographie de mode, ce qui lui vaut d’être publié à l’international, pour VICE Magazine ou Dazed And Confused au Royaume-Uni. À travers ses oeuvres, David Ledoux explore les processus mécaniques et les textures, et livre une production hétérogène qui questionne les notions de temps et de réalité.