Prendre appui sur les branches de l’arbre pour illustrer le travail du «crayon de la nature» est presque aussi ancien que la photographie (*). Le titre « Tree drawings » est néanmoins assez ouvert pour nous permettre d’imaginer autre chose, un travail de dessin qui se ferait avec les arbres et à travers la photographie. Cet ensemble se découvre avec la dynamique d’une séquence plutôt qu’avec l’ordre d’une série. Images que l'on peut croire portées par des mouvements du corps et une respiration.Dans le même temps, elles tendent vers la définition d’une photo sur rien ou sur rien d’autre que le lent travail de leur élaboration. Déjà dans cette silhouette façon théâtre d’ombres (2) dont les ramifications s’étendent pour dimensionner le plan de l’image ou devant cette autre qui déploie sa ramure comme pour brosser les nuances grises du ciel (1), la valeur documentaire tend à se réduire au profit d’un jeu de traits et de volumes.C’est encore plus flagrant dans ces fouillis de rameaux qui débordent du cadre et dans lesquels une fleur maigre (3) ou une tache d’un noir profond(5) assurent un point de focalisation. KHK accapare lignes et épaisseurs trouvées dans les arbres pour inventer ses gestes et construire avec eux plans et intensités.
Rarement l’événement d’un cadrage et d’une mise au point aura paru plus sensible que dans cette photo en vue rapprochée (11) dont le léger flou marque chaque détail de la même façon au point de redéfinir la netteté. Dans une autre (13), on voit d’abord des masses d'ombres trembler comme des flammes avant d’y reconnaître le dessin de l'écorce et de comprendre que cette danse est parfaitement ajustée. Où s'arrêtent gestes et regards, et où commence l’objectivité dans ces cas ? Par la maîtrise des dérèglements optiques et des révélations que permet la photo argentique, KHK invente des traits et la métaphore du dessin trouve alors sa pleine justification. Les « Tree drawings » résument l’arbre en une longue séquence vibrante mais ils sont aussi des condensés d'expérience qui dépassent le seul domaine de l’optique. En même temps qu'ils procurent de l’espace, ils nous donnent un sentiment de la durée. En revenant aux bases de la photographie ou en empruntant aux contes universels l’argument de ses films, KHK porte son attention sur l'approche et la construction de lignes de vision.Les branches des arbres sont motifs et instruments du dessin tandis que « La Belle et la bête » est une oblique ou un détour pour approcher du cinéaste Stephen Dwoskin et de son corps séparé proposé par Dwoskin lui-même . Venant après « The Sun and the Moon » dans lequel Dwoskin se peignait dans le rôle de la bête, « Les Carnets de la bête » (**) reprend le même postulat et, avec un montage qui a la liberté d’une improvisation musicale, modifie la perspective pour dégager le point de vue de l’autre sur une réalité et un imaginaire.L’espacement entre les deux films se révèle en conclusion de l’intrigue :échange de regards et rencontre de deux mains dans «The Sun and the Moon », pour feindre d’oublier le corps, longue étreinte sans regard dans les « Carnets » comme une volonté de vaincre le sortilège. Patrick Javault (*) En sachant bien que le « Pencil of Nature » de Henry Fox Talbot Est la lumière.(**) Le film est en cours d’achèvement.