«L’objet que je me suis principalement assigné est de tourmenter le monde plutôt que de le divertir» Jonathan Swift, lettre à Alexander Pope,1725 Le titre de l’exposition est emprunté aux Geto Boys. En 1991, le groupe de gangsta rap parmi les plus controversés de l’histoire du hip hop chante « We can’t be stopped » après que son précédent album a été censuré. Sur la pochette devenue célèbre, on voit le rappeur nain Bushwick Bill l'œil arraché à la suite d’une dispute conjugale. Flanqué de ses deux acolytes, il est assis sur une civière lancée à toute allure dans les couloirs de l’hôpital. We can’t be stopped : cette affirmation d’une omnipotence sous-tendue par une énergie et une rage libératrices nous renvoie à notre responsabilité individuelle et à notre capacité d'action dans un système donné, de ce que l’on est capable de faire à ce que l'on s'autorise à faire. En réunissant une dizaine d'artistes d'horizons différents comme autant de francs-tireurs, l’exposition WCBS tend à poser un certain nombre de questions.
L’agressivité peut-elle être considérée positivement comme moteur de réactivité - voire de combativité - face à la violence légale ou symbolique ? Au-delà du symptôme, constitue-t-elle une force de rupture et de déstabilisation à même de réintroduire du conflit au sein d’un espace dépolitisé ? En imaginant des situations de confrontation ou d'affrontement, les artistes créent des tensions mais aussi des points de contact pour réduire la distance avec le monde qui les entoure. Leur liberté d’agir hors la loi permet-elle alors de réévaluer les rapports de force qui régissent notre environnement social, urbain, politique ou culturel, afin de se le réapproprier, voire de le « recoloniser » ?.
Mai 1999 : Seulgi Lee traverse le centre-ville de Chicago en brandissant un couteau de cuisine. Mai 2004 : Isabelle Cornaro distribue un millier de plantes exotiques pour hiérarchiser l’espace public. Juin 2004 : Gianni Motti assiste à la demi-finale de Roland Garros, les mains derrière le dos et un sac sur la tête, en allusion aux prisonniers irakiens. Mai 2006 : Julien Prévieux vole les empreintes digitales du Ministre de l’Intérieur. Décembre 2006 : Virginie Yassef fait de la propagande pour l’usage de faux papiers.Février 2007 : Jochen Dehn se livre à un combat de vaisselle de porcelaine. Avril 2007 : Marie Auvity déploie devant Disneyland un slogan vantant les mérites de la carte verte, qui sera détruite par les automobilistes. Mai 2007 : Loreto Martinez inscrit sur les murs ses pensées les plus nihilistes…
Commissaire : Julie Pellegrin
Julie Pellegrin est commissaire d’exposition et chroniqueuse radio pour France Culture. En octobre 2003, elle fonde la structure de production et de diffusion The Store, destinée à soutenir la jeune création.Parallèlement, elle réalise des expositions à l’invitation de diverses structures : « Bandes à part : le cinéma dans l’art contemporain » au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, « Audrey Marlhens» et « Attention à la marche » à La Galerie-Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec, «Timeline » au Bétonsalon-Paris, « Interior View » avec le Frac Ile-de-France au Centre des arts d’Enghien-les-Bains... En 2005-2006, elle est co-responsable de la programmation de La Box, galerie de l’Ecole d’Art de Bourges. Depuis juin 2007, elle est directrice artistique du centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson.