Pour sa première exposition personnelle en France à la galerie Nuke, Jeremy Kost présente une série de polaroids représentant de jeunes garçons qu’il déshabille. Né à Corpus Christi, Texas, en 1977, le photographe américain sanctifie ses modèles sur le panthéon new-yorkais des âmes souterraines : le milieu de la mode, de l’art et de la dérive urbaine. Warhol et Goldin ne sont pas loin. Sur ses shoots, Jeremy exacerbe l’homo-érotisme de ses mannequins, qu’il révèle dans leur simple appareil. Libéré du poids de la parure, le jeune éphèbe redevient vulnérable. Son regard perdu, la fraîcheur du corps, tout ramène à l’innocence originelle. Le sexe est caché par un animal, dauphin ou tigre, ou pas caché du tout. Le désir du photographe renvoie à l’acuité du voyeur, qui va transformer l’instantané en instant érotique. Jeremy Kost flirte avec les limites de la nudité, quand le nu devient hiératique. Désacraliser le sexuel, en le rendant à sa beauté originelle. Les collages photographiques reprennent en ce sens les fragments des sculptures antiques. La reconstitution qu’en ont fait les modernes provient des vestiges passés d’une civilisation perdue. Une épaule, un bras, des pieds,le regard de Kost est syncopé, le corps est mutilé puis reconstitué dans ses collages.
Sa vision est une quête obsessionnelle des corps amoureux. Pour les trouver, il shoote dans les coulisses d’une série de mode pour ses premiers grids. Entretenir un contact avec ses modèles hétérosexuels revient d’abord à les déshabiller du regard. Il leur demande ensuite de se dévêtir lentement, et si le garçon se laisse faire, le désir est tendre. Kost parie sur cet œil originel prenant le corps pour objet de fascination si loin de l’obscénité du strip-tease généralisé.
Damien Delille