Le travail de Blair Chivers s’inscrit au-delà du concept d’œuvre, de peinture ou de sculpture. Il a crée un système en dehors du système de l’art. Un schéma démocratique mais du reste conceptuel qui entend repousser les frontières de l’art en termes d’ouverture de pensée et d’accessibilité. Une vision alternative, où l’art est projeté dans un stade de culture avancée comme un élément fondamental du quotidien. Un art qui doit avant tout agir comme une source d’inspiration et d’émotions dans la vie de tous, comme le sont la musique, la littérature ou le cinéma.
Repenser la manière dont l’art est produit, distribué, vendu et possédé. C’est le mot d’ordre de l’artiste Blair Chivers sous l’étendard du Manufactured Art. Dans son système, l’art n’appartient plus au domaine de l’exclusif mais devient à l’inverse un cercle ouvert à tous, qui tire sa force et sa valeur de son accessibilité. Un objet que tout le monde peut acquérir et non pas un instant volé entre les quatre murs d’une galerie ou d’une institution. Un outil émotionnel qui nous encourage à nous dépasser, un levier qui alimente l’évolution durable de la culture visuelle.
Le Manufactured Art, un manifeste, un programme quasi-politique, qui invite à reconsidérer les notions de possession et d’ouverture comme des valeurs positives dans le monde de l’Art. Une invitation à voir l’excellence artistique sous un nouveau jour, où la qualité peut être synonyme de quantité et d’acquisition permise à tous.
Saluant au passage avec fierté la démarche d’Andy Wahrol avec ses sérigraphies produites à grande échelle, Blair Chivers perpétue à travers son approche l’adage du grand maître du pop art « Si un c’est bien, plus c’est mieux ». Plus, car selon lui, ce qui est essentiel, primordial, ne peut-être raréfié.
Mais ici il n’est pas tant question de production à grande échelle, que de défendre l’idée d’une édition ouverte vs. une édition limitée. Oublier la rareté, éviter l’effet marchandise pour instaurer une gamme intermédiaire, un concept d’Art pensé comme une marque. Blair Chivers fusionne avec audace les processus de l’art, de la mode et du luxe dans son manifesto « Lux Prêt à apporter », une série d’œuvres datées comme pour une collection de mode, de la saison en cours, Autumn Hiverno ou Printemps Summer. Un concept marketing détourné pour porter la vision optimiste et sincère d’un projet global.
Car ce Manufactured Art, n’est en aucun cas une chasse gardée. Blair Chivers l’envisage comme un dialogue. Une plateforme ouverte à tous les artistes, pour produire et diffuser des œuvres estampillées sous ce label, propager et faire évoluer son système.
Si la production de masse et la démocratisation de l’art ont toujours été associées avec l’idée de perdre son âme, l’approche de Blair Chivers démontre simplement le contraire.
Son discours positionne l’art comme un catalyseur d’énergie positive qui doit circuler sans limites. L’art comme le fer de lance d’une pensée positive, qui stimule les idées, les émotions, ouvre de nouvelles perspectives et peut lever un voile sur des possibles jusqu’alors jamais envisagés. Un flux vertueux qui génère un bien-être souvent sous-évalué à un niveau individuel et global.
A travers ses œuvres Blair Chivers s’attache souvent à créer des messages simples et directs qui ont cette capacité à devenir symboliques et inoubliables pour tous. Sa série « mirror paintings » se décline comme des poèmes à emporter. Des mots, des citations, des phrases, pensés comme autant de slogans, de leitmotivs optimistes, réjouissants, encourageants qui résonnent au-delà du regard et de la lecture.
Des messages que l’on a l’impression d’avoir toujours entendu, mais qui ne cessent pourtant de faire sens quand on les voit, quand on les lit. Ils sont ici scellés de manière minimale sur des châssis de bois brut recouverts de miroir, qui nous renvoie chacune de ses idées comme un boomerang.
Believe, Never never never give up, Future is Bright, Sometimes don’t think, Fun… Chacune de ses peintures prend le corps d’un écho bienveillant. Réunies par centaine, elles dessinent une sorte de chapelle de vibrations positives, une injonction massive à prendre son destin en main, une thérapie du bonheur.
Fidèle à sa logique d’accessibilité et d’édition sans limites, il libère ses toiles de leurs propres cadres pendant ses performances de sérigraphie, où il imprime sur les objets que le public lui apporte, la substance de ses œuvres. Après tout la VIE EST BELLE, et Blair Chivers en a fait une réalité à emporter.
— Audrey Mascina
Audrey Mascina est une créative pluridisciplinaire. Directrice artistique et co-fondatrice avec Jérôme Sans, du groupe electropop Liquid Architecture, elle réalise actuellement des films.